Le silence. Quelques volutes de fumée qui s'élevaient de temps à autre dans l'air. Des lèvres qui remuaient sans bruit, suivant les lignes d'un journal clamant les dernières nouvelles, non sans faire encore quelques mystères autour de la mystérieuse survie de Sherlock Holmes. Comme si l'actualité n'allait pas, pour une fois, assez vite pour dépasser un tel évènement. Ambrosio n'affichait aucun air de mépris, à cette pensée ; cependant, l'acuité de son regard seul aurait pu clairement démontrer le cynisme que lui inspirait cette affaire. Le monde - son monde - aurait été en vérité bien plus tranquille, sans la présence de ce détective privé consultant, le seul au monde, qui par malchance, vivait dans la même ville que lui. Encore une raison de rester discret, encore que jusqu'à présent, il n'avait jamais été dérangé le moins du monde. Son air affable et courtois l'avait bien assez protégé. Ce n'était pas comme si ce masque pouvait se différencier distinctement, sur son visage. Trop longtemps il avait joué l'hypocrisie et la cordialité, pour ne pas être rodé à ce rôle comme un chanteur d'opéra pouvait l'être à ses personnages.

Assis devant la fenêtre donnant sur le jardin, dans sa tête résonnait une sonate imaginaire, sans que pour autant son attention soit totalement détournée de ce qui se passait autour de lui. Les endroits calmes étaient les plus propices de tout, pour observer et surveiller les gens. Ceux qui venaient au raffiné Diogène's Club n'étaient pas les derniers venus, à moins d'un riche opportunisme ; nul doute que les lettres de noblesse seules, ou du moins de respectabilité, autorisaient à mettre les pieds ici. Vêtu d'un costume anglais qui ne détonnait point par rapport à la mode actuelle, son regard glissait sur la lumière du jour sans l'apercevoir réellement, quand ses yeux ne se tournaient pas vers les infimes mouvements qui agitaient parfois la pièce.
Tel silence était reposant par moments, et cependant, il ne pouvait s'empêcher de s'ennuyer quelque peu. Ou plutôt trouvait-il cela lassant. Cela faisait longtemps qu'il avait fait le voeu de goûter à toutes les distractions que la nature pouvait lui offrir ; la tranquillité ne lui convenait donc nullement. Un nouvel arrivant fit son entrée dans la pièce ; ses yeux se tournèrent vers lui, le fixant quelques secondes de son regard bleu froid et acéré, avant de se détourner. Se relevant lentement, il jeta un regard aux alentours, avant de s'avancer vers le nouveau venu. Il tendit la main vers le fauteuil qu'il venait de quitter, pour lui signaler que la place était libre.

Ce n'était pas certainement la première fois qu'il croisait cet homme ici ; il le reconnaissait de visage, sans savoir son nom. Cependant, lui souriant aimablement, il ne pouvait savoir qu'il s'agissait du frère du détective qu'il méprisait si ardemment.