Je ne sais pas si c’est parce que mon travail actuel n’est qu’une façade dans mon esprit ou si mon ancien job, celui dont personne n’est au courant, était une partie si intégrante de ma vie mais je ne me souviens pas avoir été un véritable accro du travail. Je fais mon travail, bien avec cela et je fais même régulièrement des heures supplémentaires. Mais je sais quand il est temps que je rentre chez moi et que je reprenne une vie sociale. J’admets, avec mon seul job, je peux déjà avoir un quota d’interaction sociale plus que normal mais ce n’est pas pareil que d’aller voir des amis. C’est pour ça que les gens comme Arya ou encore Ben resterons des mystères pour moi. J’admire leurs compétences, l’amour ainsi que le dénouement qu’ils ont pour leur travail, sincèrement, je les admire et est impressionné par leurs capacités. Mais…Sérieusement, ils n’ont pas envie de voir un peu l’extérieur ? De sortir, rencontrer des gens ? Bon, Arya ce n’est pas exactement de sa faute, son boss semble être un maniaque tyrannique qui pense que les journées font 40 heures et non 24 (ça n’est pas sans me rappeler quelque chose ça). Ben en revanche, il y a des fois où il pourrait largement sortir plus qu’il ne le fait actuellement…

Bon, il faudrait peut-être que j’explique pourquoi cette réflexion soudaine me vient. A force d’amener Maddi à l’hôpital, d’y croiser Ben et de venir lui rendre visite (voire lui apporter un truc à manger de temps à autres parce qu’il est bien du genre à oublier de déjeuner quand il bosse) je fini par croiser plus que simplement le personnel des urgences. C’est comme ça que j’ai rencontré Meredith. Elle travaille avec les enfants, ce qui est admirable. Sauf qu’elle travail trop. Elle ne me l’a pas dit, mais que je vienne à 3h du matin ou à 16h, je l’y croise presque systématiquement. A force je fini par m’inquiéter pour elle. Elle est une jeune femme qui semble adorable…Pourtant j’ai vu dans ces yeux une lueur qui m’est familière ; celle qu’ont les gens qui ne sont plus tout à fait entier. Ceux qui ont laissé des morceaux de leur vie derrière eux. Ce qui aurait tendance à me rapprocher d’elle et de tenter de lui faire voir un peu du monde plutôt que de la laisser s’enterrer dans le travail. Ce qu’elle a vécu ? Ce ne sont pas mes affaires. Je n’ai pas à me mêler de cela surtout que ce qui donne cette lueur au regard n’est que rarement agréable à partager. En revanche je lui ai clairement demandé si elle voulait bien sortir ce soir, juste un verre, dans un bar tranquille, loin du tumulte de l’hôpital. Pas de boîte de nuit, pas d’ambiance cosy non plus, juste un bar, calme…Mais non, rien du tout. Elle travaille tard soi-disant. Qu’à cela ne tienne, il l’attendrait. C’était son jour de repos et il n’avait rien de mieux à faire. Il envoya tout de même un message à Maddison histoire qu’elle ne s’inquiète pas. Puis attendit juste devant l’hôpital.

Finalement, l’attente ne fut pas si longue, même s’il a eu le temps d’engloutir trois grands café double dose d’expresso du starbucks d’en face, et enfin il vit émerger des portes de la bâtisse la silhouette de la jeune femme. Matthew se détacha du mur pour s’approcher d’elle, tranquillement, un sourire tranquille aux lèvres.

"Alors comme ça on ne finit pas si tard que ça Dr Winter."

Pas de reproche, juste un amusement sincère sans aucune moquerie cachée.

Je ne cachai même pas mon amusement face à son excuse. Elle avait oublié. Oui, je le devinais. Je ne m’en formalisais pas et m’approchai un peu plus alors qu’elle énonçait sa non-envie de sortir. Ca aussi je m’y étais attendu. Elle avait toujours esquivé mes propositions pour sortir, quels que soient les tenants et les aboutissants de cette proposition. Je me doutais que la faire sortir dans un endroit peuplé n’était pas la chose à faire. Elle voyait beaucoup de gens toute la journée, le plus souvent des enfants malades, certes mais ça n’empêchait que je comprenais. Travaillant dans un pub, je n’avais pas spécialement envie de sortir en boîte quand on me proposait une sortie. C’est d’ailleurs en réfléchissant comme cela que j’en suis venu à l’idée que j’allais lui énoncer. Parce qu’il n’était pas sain de ne pas s’aérer l’esprit quand on faisait un travail comme le sien. Je ne dis pas qu’il faille devenir un fêtard invétéré, mais il lui fallait sortir un peu. Si possible pas seule. Être seule reviendrait à simplement remuer les pensées noires sans cesse.

"J’ai envie de dire que tu es déjà sortie." Okay, humour de merde retourne te coucher. Mon sourire voulait bien dire que je la taquinais ; reprenant un peu mon sérieux, j’allais vers ma moto et en sortit le casque de secours avant de revenir vers elle "Fais-moi confiance Meredith. Tout ce que je vais faire, c’est te ramener chez toi."

Je dus me faire violence pour retenir un sourire malicieux. Oui, je ne ferais que la ramener chez elle, mais je n’ai jamais dit que je passerais par le chemin le plus rapide…Mais ça, elle n’était pas sensée le savoir. Tous les moyens étaient bons pour lui faire prendre un peu l’air. Oui, j’avais tendance à être un peu sournois comme ça, mais jamais dans le but de faire du mal à quelqu’un. Il était encore relativement tôt, je pouvais bien lui faire faire une petite ballade d’une heure avant de la ramener à une heure encore décente chez elle. Rien de plus, rien de moins. Elle ne croiserait personne, elle n’aurait même pas à parler si elle ne le souhaitait pas. Juste à s’accrocher et à profiter de la balade. Si je cherchais quelque chose avec ça ? Non. Pas si vous pensez à recevoir quoi que ce soit de la part de la jeune femme. Oui, c’est vrai que j’aurais pu, mais non. Tout ce que je cherchais à faire c’est éviter aux gens qui le pouvaient de s’enfermer dans un passé trop lourd. Je l’avais fait pendant longtemps et avait failli perdre la boule à cause de cela. Je ne voulais pas que Meredith ne s’enferme, elle aussi, dans son passé. Je n’en savais rien, du dit passé, mais je sentais, par expérience personnelle, que c’était la cause de cet enterrement dans une vie professionnel. Même Ben s’enterrait moins que Meredith. Je le voyais régulièrement au pub, ou alors dehors. Meredith, je ne l’ai jamais croisée qu’à l’hôpital.

Je lui tendis le casque, un sourire encourageant sur les lèvres et un sourcil haussé en invitation. Elle ne pouvait pas refuser. Je lui proposais de la ramener et elle n’allait pas me dire qu’elle préférait le métro londonien, avec ses couloirs souterrains interminables et bien trop peuplés, au confort d’une balade à moto ? Le traffic londonien j’en faisais mon affaire. J’étais natif d’ici, quoi que puisse dire mon dossier médical et les rues de Londres n’avaient plus de secret pour moi. En fait, si j’avais eu la patience de le faire, j’aurais probablement fait chauffeur de taxi.

"Alors ?"

Je fis légèrement avancer le casque, toujours aussi calme, la lueur malicieuse ne quittant pas mon regard.

Et une victoire pour moi! Bon, encore faudrait-il que j'arrive à l'amener là où je veux sans me prendre une baffe et sans recevoir la promesse de déposer une main courante avec mesure d'éloignement de la part de Meredith. Non parce que dans l'absolu, si on extrapolait juste un poil, ce que je faisais là pouvait s'apparenter à un kidnapping. Il aurait peut-être que je m'en inquiète, non? Naaaan. Je n'allais pas la garder contre son gré dans un endroit quelconque, j'allais juste lui faire prendre un peu l'air. Promis, si elle a l'air suffisamment convaincue si elle me demande de la ramener chez elle et d'arrêter de jouer, je la ramènerais sans faire d'histoire. Je ne dis pas que je ne bataillerais pas un petit peu, voir même beaucoup, mais je savais quand je devais arrêter de vouloir aider les gens quand ils ne voulaient pas être aider. D'accord, je me la jouais un peu trop chevalier servant sans qu'on ne m'ait rien demandé, mais ce n'est pas ma faute, depuis tout gosse j'ai toujours eu quelqu'un sur qui faire attention. Ma sœur, ma fiancée, mon équipe quand j'étais lieutenant dans l'armée, Maddison aujourd'hui. J'ai toujours été un protecteur, c'est presque inscrit dans me gènes. Même si un scientifique me dirait que c'est débile comme raisonnement.

Elle enfila le casque et moi le mien, enfourchant ma moto et faisant vrombir le moteur pour dire (oui, je suis comme la plupart des mecs avec leur bécanes, j'aime jouer mon show-off sur les bords...) puis lui fit signe de monter à l'arrière. Il faudrait peut-être un jour que j'investisse dans un dossier sur ma moto, histoire que mes passagers soient plus à l'aise et n'aient pas besoin de s'accrocher à mon torse comme à une bouée de sauvetage. Ça me permettrait notamment de conduire Maddi au travail de temps en temps. Genre quand je ne travaille pas et qu'elle oui. Enfin, cela sera une réflexion pour un autre temps. Là, tout de suite, je réfléchissais déjà au meilleur itinéraire à suivre pour rejoindre l'endroit que je voulais puis celui le plus rapide de là-bas à Notting Hill. Parce que, aussi optimiste puisse-je être, je me doutais, non rayez ça, je savais qu'elle n'allait pas forcément apprécier. J'espérais juste qu'elle ne penserait pas que je la draguais. Ça la foutrait mal quand même. Note, éviter les contacts physiques, c'est moins ambigüe. Après s'il faut, je passerais par une période de silence radio général ponctué par de rapides SMS impersonnels juste histoire de dire que je suis en vie et que ce je ne suis pas là pour ça. Les rues de Londres défilaient autour de nous et je m'attendais déjà à ce que Meredith se rende compte que non, je n'allais pas tout à fait du côté de Notting Hill. Ça commençait sévèrement à se voir...