Greg était dans son bureau. Il était presque 20h et il était toujours là, plongé dans les dossiers des enquêtes en cours. Il aurait tout donné pour pouvoir rentrer chez lui et retrouver Roksana. Dehors, il entendait le bruit du tonnerre et des nuages noirs planaient au-dessus de Londres depuis le début de la journée. Et pour couronner le tout, il avait passé une journée épouvantable. A croire que tout Scotland Yard avait décidé de défiler dans son bureau avec tous les problèmes qu’ils avaient. Greg était donc en train de se dire que cette journée ne pourrait pas être pire que ce qu’elle était et qu’il était temps qu’elle se termine, lorsque quelqu’un décida que cette journée n’avait pas encore été assez horrible. Garance surgit dans le bureau de l’inspecteur, sans frapper bien sûr !

- Boss ! On a un problème ! s’écria-t-elle

Greg soupira et releva les yeux. Bien que Garance soit devenue un bon élément de son équipe, elle avait toujours du mal avec certaines règles. Et en premier lieu celle qui stipulait qu’on frappait aux portes avant d’entrer, surtout celle de son supérieur.

- On est horriblement mal organisés, reprit la jeune fille. On passe un temps incroyable sur des activités secondaires, et pendant ce temps on ne va pas à l'essentiel. C'est comme les rapports, vous savez. Pendant qu'on se prend la tête sur ces bêtises, on ne sert à rien !

Et ça y est ! Elle revenait là-dessus ! Depuis 3 ans qu’elle était là, elle cherchait à convaincre son supérieur (et donc ensuite le patron de celui-ci, c’est-à-dire LE patron de Scotland Yard) que le Yard devrait se débarrasser de toute sa paperasserie. Greg soupira de nouveau. Pourquoi venait-elle toujours le déranger pour de telles futilités ?...Non en fait la vrai question était : qu’est-ce qu’il avait fait pour mériter ça ? Pourquoi avait-il fallu que cette tornade arrive dans son équipe ?

- Ce qu'il faudrait faire, c'est avoir des gens spécialisés dans la paperasserie, continua Garance, apparemment décidée. Et comme ça, nous, on pourrait se concentrer sur ce qui est réellement intéressant. Qu'est-ce que vous en dites ?

Puis un sourire amusé éclaira son visage. Greg la dévisagea pendant une minute. Décidemment cette fille était d’un culot sans nom. Elle était arrivée là par piston, n’avait caché à personne son sale caractère et son refus des règles dès le début, avait fait 1 an de paperasserie avant de finalement être autorisée à être mise sur quelques enquêtes, savait qu’au moindre faux pas c’était au mieux la circulation ou la paperasse (voire les deux pensait-il parfois en souriant sadiquement) et au pire le renvoi pur et simple…et pourtant elle osait venir le déranger en plein travail pour des futilités.
Bien qu’il fût excédé, le lieutenant eut un léger sourire. Oui, cette fille était décidemment bizarre et en même temps très déterminée (une détermination qui forçait presque l’admiration). Il la regarda d'un air sérieux et déterminé et lui dit :

- Garance…déjà vous êtes encore entré sans frapper, 1ère erreur. Ensuite, vous venez me déranger en plein boulot pour des futilités, et sur lesquelles je vous ai déjà donné mon avis en plus, 2ème erreur. Et 3ème erreur, j’avais déjà eu une journée difficile et il est tard donc là vous m’énervez au plus haut point ! Donnez-moi une seule bonne raison de ne pas vous remettre à la paperasserie. Vous savez que je pourrais. Et comme ça vous seriez contente, ajouta Greg avec un sourire, on aurait des « gens spécialisés dans la paperasserie »…vous !

Greg essaya d’écouter la jeune fille sans s’énerver, tâche que celle-ci ne facilitait pas. Une fois qu’elle eut finit il soupira avant de répondre :

- Garance…frapper aux portes n’est en rien une perte de temps. Alors la prochaine fois que vous entrez sans frapper je vous jure que vous filez à la paperasse pour le restant de vos jours. Compris ?

C’est vrai quoi ! C’était la politesse la plus élémentaire !! Mais apparemment elle ne l’avait jamais intégré. Cependant, cela faisait 3 ans maintenant qu’il essayait de lui faire intégrer des règles du même genre. Et il avait plutôt pas mal réussi puisqu’entre la Garance d’il y a 3 ans et celle d’aujourd’hui…disons que mieux valait celle d’aujourd’hui même si ce n’était pas encore ça…

- Ensuite, merci de me dire que je ne suis pas un imbécile…, dit-il avec un sourire ironique, mais vous êtes là depuis 3 ans, ça fait 3 ans que vous me parlez de ça, et 3 ans que je dis non. Alors par pitié laissez tomber. Parce que ça ne changera jamais. Quant au troisième point…

Greg se leva et s’approcha de la jeune recrue. A cet instant, il était pleinement dans son rôle de patron : autoritaire, imposant, avec ce regard et cette stature qui impressionnait tous les membres de son équipe.

- Alors comme ça venir « m’énerver » vous amuse et améliore votre journée hein?

Il la regarda dans les yeux, attendant qu’elle réponde comme un professeur attendant qu’un élève qui n’a rien écouté lui donne la réponse qu’il n’avait pas. Mais Garance devait être folle, ou suicidaire, ou peut-être les deux car elle continua :

- En fait, j'ai deux excellentes raisons, Boss. Premièrement, vous savez bien que la paperasserie n'est pas mon fort, je ferais une spécialiste pitoyable. Et deuxièmement, sans moi, vous vous ennuieriez.

Greg ne put retenir un léger sourire. Décidemment sa jeune recrue ne doutait de rien.

- Garance…vous pouvez me rappeler en quoi consiste le boulot d’un flic ?

Garance répondit sans hésiter une seconde :

- A faire respecter la loi. De préférence en la respectant déjà soi-même.

Greg sourit intérieurement de la fin sa cette réponse. Effectivement c’était mieux de commencer par la respecter soi-même. La jeune femme ajouta ensuite :

- On est là pour protéger des gens. Pour empêcher des criminels de s'en prendre à des innocents. Pour empêcher des salopards de foutre en l'air la vie de pauvres bougres !

Bien que le DI n’approuvait pas la dernière phrase et sa vision tellement manichéenne, cette fois il ne pût s’empêcher de sourire. Malgré leurs différents, Garance lui rappelait un peu lui-même. Ils avaient la même vision de leur métier, la même motivation. C’était le même but qui les faisait travailler avec acharnement. Et même si Garance restait Garance, Greg était content de savoir que même si elle n’avait rien fait pour arriver là, elle aimait ce boulot et était motivée.

- Mais Boss, je vois pas le rapport entre ça et cette histoire de paperasse, là.

- Moi si. Vous voyez…ce que vous venez de me dire, c’est exactement ce que je pense. C’est exactement la vision que j’ai de notre boulot et c’est pour ça que je suis rentré dans la police. Pour protéger les gens. Et à voir votre regard quand vous m’avez dit ça, on voit que c’est vraiment ce que vous pensez et ce qui vous motive.

Greg reprit ensuite d’un ton plus calme, limite paternel, signe que la tempête était passée :

- Depuis que je vous ai mise sur des enquêtes je n’ai jamais eu à le regretter parce que justement vous adorez ça. Alors ne m’obligez pas à vous en priver, d’accord ?

Puis il attendit la réaction de la jeune fille.

Garance sembla soudain déstabilisée. Elle ne s’attendait surement pas à ce que Greg lui avait dit et elle était visiblement perdue sur ce qu’elle devait répondre. Elle réussit quand même à articuler un :

- Boss, je...

Avant de se taire aussi vite qu'elle avait commencé. Cette fois, c’était vraiment sûr : elle était plus que déstabilisée. Greg la regardait en attendant qu’elle trouve quoi lui répondre. Il devait bien avouer qu’il la trouvait assez « touchante » à essayer de lui répondre quand même. Finalement, la jeune fille trouva quelque chose à répliquer.

- D'accord, Boss. On fait un boulot génial, qu'on adore, et qui permet de protéger les autres humains qui vivent avec nous. Mais alors, pourquoi est-ce qu'on doit perdre des heures sur des trucs aussi pénibles et inutiles que la rédaction des rapports, alors qu'il y a encore des criminels en liberté dehors ?

Le DI eut un grand sourire. Décidément Garance resterait toujours Garance. Déterminée et ne perdant jamais le nord.

- Garance, dit-il en lui indiquant le siège en face de son bureau tandis qu’il se rasseyait dans le sien. Vous savez, vous n’êtes pas la seule que tous ces dossiers et toutes cette paperasserie ennuie. Vous croyez que je n’aimerai pas m’en débarrasser moi aussi ? Vous croyez que ça m’amuse de rester ici jusqu’à des heures pas possibles pour boucler mes rapports plutôt que de rentrer chez moi pour être avec ma compagne ?

La jeune fille s’était assise et l’écoutait sans rien dire.

- Nan ! Je vous rassure tout cela m’énerve aussi au plus haut point. Alors vous allez surement me demander pourquoi je le fais hein ? Et pourquoi je vous oblige à m’en faire aussi ? Eh bien la raison en est extrêmement simple Garance : parce que c’est comme ça. Parce que c’est nous qui sommes sur ces affaires et que c’est donc à nous, qui les connaissons à fond, de faire les rapports à nos supérieurs. Et moi aussi j’aimerai parfois être plus sur le terrain, et je vous accorde que pendant ce temps il y a beaucoup de criminels qui courent mais…

Greg poussa un soupir et regarda sa jeune recrue :

- …c’est comme ça. Et on ne peut que se plier à ces règles alors même si je sais que vous avez beaucoup de mal avec ça, faîtes-vous une raison.

De nouveau Garance semblait perdue. Elle ne devait pas avoir l’habitude des conversations normales. En général, son « plan d’action » devait être d’arriver avec tous ses arguments et de les défendre avec acharnement jusqu’à ce que la personne en face admette qu’elle avait raison. Sauf que quand ladite personne commençait à discuter comme Greg le faisait, elle ne savait plus quoi faire. En la regardant aussi désemparée, le lieutenant pensa que cela provenait sans doute également d’autre chose. En fait, la pauvre avait carrément l’air de n’avoir jamais eu une seule conversation normale de sa vie. Il ne savait pas ce qui avait provoqué cela mais il songea que cela ne devait pas être récent, et il éprouva de la peine pour elle. Elle ne devait pas avoir eu une vie facile.

- En gros, notre boulot a un mauvais côté. Et ce sont les rapports. Ça fait partie du boulot, et on doit faire avec, c'est ça ? Vous avez raison, Boss.

Greg sortit soudain de ses pensées. Il…il avait bien entendu ? Il mit quelques secondes avant de réaliser. Garance…sa garance, celle qu’il supportait depuis 3 ans, qui ne lui accordait quasiment pas une seule minute de répit et qui n’admettait jamais que quelqu’un d’autre qu’elle ait raison avait…justement reconnu qu’il avait raison ?? Greg était impressionné et surpris. Et il comprit immédiatement qu’il fallait y voir beaucoup plus qu’une simple reconnaissance du fait qu’il avait raison. Venant de Garance, cela équivalait à une sorte de « merci ». Pour être aussi compréhensif depuis 3 ans, pour avoir su essayer de la recadrer, pour tout ce qu’il avait fait pour elle depuis son arrivée dans son équipe en quelque sorte. Greg ne savait pas vraiment quoi lui répondre. Le plus logique aurait été qu’il la renvoie dans son bureau en lui demandant gentiment de lui finir son rapport. Et en même temps, ce qui était en train de se passer étant unique, il ne se voyait pas gâcher ça. Le lieutenant et sa recrue s’observèrent un moment, puis celle-ci finit pas oser demander ce qui avait l’air de lui trotter dans la tête :

- Vous avez su quand, vous, ce que vous vouliez faire de votre vie ?

Greg eut un léger sourire. Il devait bien admettre qu’il s’était attendu à tout sauf à cette question et qu’il ne savait pas vraiment comment répondre. Et surtout s’il devait répondre. Il se tut pendant quelques minutes. Puis finalement il répondit.

- Je ne pourrais pas vraiment vous dire. J’ai toujours été attiré par ce métier, depuis l’enfance. Je l’ai toujours trouvé fascinant. Pour moi, les flics étaient un peu des super-héros, ajouta-t-il avec un petit sourire en y repensant. Ils défendaient les faibles, mettaient les méchants hors de nuire…. Ça peut sembler stupide…mais c’est comme ça que je le voyais. Et puis….en grandissant, j’ai découvert d’autres facettes du métier et ça n’a fait que renforcer ma volonté d’y dédier ma vie.

A ce moment-là, il ne sut s’il devait continuer. L’autre raison qui l’avait poussé à devenir flic était vraiment très personnelle. Mais après avoir réfléchi, il se dit que le passé était le passé, et que quoiqu'il fasse, cela faisait partie de son histoire. Et puis, il n’avait jamais raconté ça à personne, et il savait que s’il y avait bien une personne à qui il pouvait confier ça sans que tout Scotland Yard le sache, c’était bien Garance. Alors il reprit :

- Je crois aussi que… l’événement qui a fait qu’il n’y a plus eu aucun doute pour moi ensuite…c’est quand mon père est parti…

Voilà ! Il l’avait dit ! A Garance ! Il ne savait pas s’il avait eu raison, mais ce qui était fait était fait. Il ne la regardait même plus, perdus dans ses propres souvenirs douloureux.

- J’adorais vraiment mon père et…quand il est parti…ça peut paraître horrible mais…dès que j’ai lu ce mot qu’il avait laissé à ma mère…je me suis mis à le haïr. Oui, vraiment haïr de nous abandonner comme ça… Il n’a jamais refait surface et ce jour-là, je suis devenu malgré moi l’homme de la maison. J’avais ma mère et ma sœur sur qui je devais veiller. Alors le boulot de flic m’est apparu comme une évidence. Parce que pour moi c’était l’image de celui qui défendait les plus faible et qui était irréprochable. Et je m’étais juré de ne jamais devenir un salaud comme mon père alors…

Il ne savait plus quoi ajouter. Il n’avait jamais raconté ça à personne et il ne savait pas comment exprimer tout ce qu’il avait ressenti. Toute cette haine, qui s’était transformé en travail acharné ; cette admiration, qui l’avait amené à se dépasser pour être un homme bien sur tous les fronts…

Garance sembla réfléchir un peu puis finit par dire :

- Je crois que je peux comprendre.

Greg releva finalement les yeux et regarda Garance. Finalement, il se sentait mieux de l’avoir enfin dit à quelqu’un. Comme si le fait de l’avoir enfin verbalisé avait été salvateur. Cela l’avait comme libéré d’un poids qu’il portait depuis des années et il se sentait plus léger. Mais quand Garance lui dit qu’elle comprenait, il se remit à réfléchir. Son idée que Garance n’avait pas eu une vie facile avait un fondement alors. Il se mit à se demander ce qui s’était passé, partant dans des hypothèses de plus en plus folles lorsque Garance ajouta :

- Vous n'êtes pas un salaud. Vous êtes un bon flic, et un homme bien, Boss.

Greg sourit. Il se sentait vraiment touché par ce que Garance venait de dire. Surtout venant d’elle. Il avait tout fait pour devenir un homme bien et entendre quelqu’un le dire, et surtout Garance le touchait à un point qu’elle ne pourrait jamais soupçonner. Elle sembla vouloir ajouter quelque chose mais finalement, ne dit rien. Elle baissa la tête, l’air un peu triste. Puis quand elle la releva elle réussit finalement à dire :

- Boss. Vous êtes probablement la meilleure chose qui me soit arrivée.

Autant Greg avait été surpris lorsqu’elle lui avait dit qu’il avait raison, autant là il était ébahi. Et limite mal à l’aise il devait bien l’avouer. Et perdue face à cette bombe que venait de lâcher Garance et à laquelle il ne savait pas vraiment comment réagir. C’est vrai qu’en arrivant Garance avait vraiment l’air d’une gamine paumée. Et c’est vrai que Greg avait réussi à la transformer. Mais même si elle avait eu une vie difficile, Greg n’arrivait quand même pas à croire qu’il puisse vraiment être la meilleure chose qui soit arrivée à sa jeune recrue.

- Merci Garance, lui répondit-il finalement avec un léger sourire. Mais bon, je suis sûre qu’il vous est quand même arrivé des choses meilleures qu’un horrible patron qui cherche à vous inculquer des règles et à vous faire respecter l’autorité, ajouta-t-il avec un clin d’oeil

Il avait volontairement forcé le trait, quoiqu’il songeait que c’était surement comme ça qu’elle le voyait quand elle était vraiment énervé.

- Mieux qu'un patron tyrannique, vous voulez dire ?

Greg sourit. Même s’il faisait tout pour essayer d’être un patron autoritaire mais juste, ça le faisait rire qu’elle l’imagine comme ça. Mais oui, quand Garance était dans ses pires jours, c’est vrai que c’était surement comme ça qu’il devait apparaître : l’horrible patron despote qui l’obligeait à aller faire ses rapports et qui la menaçait de finir ses jours à la paperasserie et à la circulation. Dans ces moments-là, mieux valait ne pas venir déranger ni l’inspecteur ni la jeune femme pour des futilités sous peine de se voir soit incendier (et le mot était faible) par Garance, soit envoyer à la circulation par un Greg excédé. Mais au fond, il ne faisait pas ça par plaisir de la torturer, et il savait qu’elle le savait et le comprenait.

- Gareth était quelqu'un de bien, lui aussi.

Greg sortit soudain de ses pensées. Et quelque chose le frappa immédiatement dans cette phrase. Etait. Ça sous-entendait donc que cette personne n’était plus là. Et elle avait dit que c’était quelqu’un de bien, donc c’est que cette personne était morte, non qu’elle était simplement partie. Il se mit à réfléchir. Qui pouvait bien être ce Gareth ? Vu le nom, quelqu’un de jeune, donc surement un ami…Mais vu ce que Greg supposait sur la vie difficile de Garance il se dit que ce devait être quelqu’un de plus proche…un cousin…voire un frère peut-être… Et soudain la réponse lui sauta aux yeux. Le seul Gareth qui lui venait à l’esprit était un jeune homme qu’on avait retrouvé mort 9 ans plus tôt. Il venait d’être promu lieutenant et même si ce n’était pas le premier junkie à se retrouver mort dans une ruelle lugubre à la suite d’une overdose cela l’avait marqué à l’époque. Le nom aussi, car il ne l’avait jamais entendu avant. Et finalement Greg fit le lien. Il s’appelait Gareth Jenson… Gareth Jenson, Garance Jenson…le frère et la sœur. Greg se sentit mal. Alors il avait raison en supposant que sa vie n’avait pas été facile et drôle tous les jours… C’était il y a 9 ans, elle en avait donc à peine 17 à l’époque. Quel horreur…pauvre gamine…
Greg ne savait plus vraiment ce qu’il pouvait dire. En même temps, que pouvait-il dire ? Elle avait perdue son frère à 17 ans à cause de la drogue. Que pouvait-on dire à quelqu’un qui avait vécu un drame pareil ? Alors il lui dit la seule chose qu’il pouvait dire, une qu’il pensait d’ailleurs sincèrement après 3 ans passé avec Garance :

- J’en suis sûr. S’il était comme vous alors c’était quelqu’un d’unique.

- Il était bien meilleur que moi.

Garance sourit. Greg ne pouvait pas dire si c’était vrai ou pas. Mais à voir l’expression sur le visage de Garance, on voyait qu’elle adorait son frère. On pouvait sentir qu’elle aurait tout fait pour lui et que sa mort avait causé un vide immense dans la vie de la jeune femme. Et Greg pensa soudain à sa sœur. L’expression qu’il voyait dans les yeux de Garance était un peu semblable à celle qu’il avait pu voir dans ceux d’Emmy. La même admiration, le même dévouement, le même amour inconditionnel. Emmy…même si elle avait maintenant 30 ans, pour Greg elle restait sa petite de sœur de 10 ans sa cadette, celle qu’il continuait de protéger (voire de surprotéger selon Emmy !) et qu’il avait du mal à laisser grandir. Il la revoyait encore le jour où son père était parti. Tellement fragile, une petite fille d’à peine 3 ans. C’était lui et sa mère qui l’avaient élevé, parfois plus lui étant donné les horaires de sa mère à l’hôpital. Il avait tout fait pour qu’elle soit heureuse et qu’elle ne manque de rien malgré le départ de son père. Et il était fier en voyant la jeune femme qu’elle était devenue. C’était maintenant une grande journaliste, et une jeune mère. Greg adorait sa filleule, peut-être parce qu’elle ressemblait tellement à sa mère. Et il se débrouillait pout aller voir Emmy le plus souvent possible, mais c’était difficile étant donné leurs jobs respectifs. Mais à chaque fois, c’était la même joie de se retrouver. Et oui, il voyait parfois encore l’expression qu’il avait vue dans les yeux de Garance chez sa sœur.

- C'est pour lui que je suis restée ici. Pour essayer d'être à sa hauteur. Pour protéger les gens, comme il l'a fait pour moi. Même si moi, je n'ai pas su le protéger.

Greg pouvait sentir la culpabilité qui rongeait Garance. Bien sûr, à 17 ans il était fort probable que Garance savait les problèmes qu’avaient Gareth avec la drogue, Et elle devait surement se sentir coupable de n’avoir pas pu l’aider à sortir de cette spirale qui l’avait mené à cette fin tragique. Il se sentait mal de voir Garance aussi coupable, alors il essaya de la « réconforter ».

- Je suis sûr que vous avez fait tout ce que vous avez pu pour ça Garance. Vous ne devez pas vous sentir coupable. Et je vais vous dire quelque chose. Quelque chose que je ne vous ai sans doute jamais dite tellement vous m’agacez la plupart du temps mais…vous êtes un excellent flic Garance. Et grâce à ça, vous protégez déjà beaucoup de monde et vous arrivez largement à sa hauteur. Je pense…que Gareth doit être fier d’avoir une sœur comme vous.

Il hésita un moment puis décida de lui dire quand même :

- En tout cas…moi je suis fier de vous. De tout ce que vous avez fait comme progrès depuis 3 ans.

Et c’était vrai. Garance était devenue une personne tellement meilleurs qu'il y a 3 ans. Et une bonne personne.

Garance avait vraiment l’air étonnée. Greg se dit qu’elle ne devait pas souvent entendre des gens lui faire des compliments. Alors il était heureux de lui en avoir fait un. Surtout qu’il le pensait sincèrement. C’est vrai que la plupart du temps Garance faisait tout pour lui pourrir la vie. Mais lorsqu’elle s’en donnait la peine, c’était vraiment quelqu’un avec du potentiel, et au fond, il devait reconnaître que dans ces moments-là, il parvenait à l’apprécier. Et puis, maintenant qu’il était au courant pour son frère et qu’il voyait comment elle en parlait…elle lui rappelait sa sœur, et cela ne pouvait qu’accroître son affection pour elle. Soudain, Garance prit sa main et il put sentir qu’elle la serrait brièvement entre les siennes. Ce geste toucha profondément Greg, et il pouvait sentir qu’il en allait de même pour Garance.
Puis celle-ci secoua la tête, comme pour se remettre les idées en place avant de finalement lâcher :

- Boss, je devrais retourner à mon rapport. Vous savez, plus c'est pénible et moins ça avance tout seul, ces machins-là.

Le lieutenant sourit. La Garance qu’il connaissait était de retour (ou presque). Et il devait admettre qu’elle avait raison : plus les rapports étaient pénibles, moins ils avançaient seuls. A croire que les seuls dossiers qui avançaient vite étaient ceux qui étaient les plus intéressants.

- Après, si vous voulez de l'aide... Que vous puissiez rentrer plus vite retrouver votre compagne...

Greg lui lança un sourire reconnaissant avant de secouer la tête :

- Merci Garance. Mais vous inquiétez pas ça va aller. J’ai bientôt fini.

Puis il regarda la jeune femme retourner dans son bureau en souriant.