La nuit avait été courte, plus courte encore que celle précédente. A peine trois heures de sommeil qu'il avait été réveillé par un coup de téléphone assourdissant, et une nouvelle le laissant dans le doute et la peur.

On avait tenté d'introduire une bombe à Scotland Yard.

La bombe avait explosé aux archives, réduisant en un tas de cendres encore chaudes des centaines de dossiers méticuleusement (ou pas) rangés, triés, époussetés...autant d'heure de travail supplémentaire que le Gouvernement avait dépensé en vain. Mais cela n'était pas le principal problème de Mycroft. Ce qui l'inquiétait davantage était les enquêtes non-résolues dormant dans un coin en attendant que Sherlock trouve le temps de s'en préoccuper. Car l'une d'entre-elle préoccupait Mycroft.

L'histoire était banale, voire classique : une victime assassinée pour son argent, apparemment, et son beau-père condamné à la pendaison. Seulement...Seulement le corps du prétendu coupable n'avait jamais été retrouvé. Et une semaine auparavant, un corps cryogénisé avait été repêchée dans une cuve oubliée d'un entrepôt de drogue, le cou portant encore les traces de la corde utilisée à l'époque pour ouvrir les portes de l'enfer aux coupables. Le seul moyen de savoir son identité était de se replonger dans les archives. Chose désormais impossible.

Le quarantenaire connaissait presque sur le bout des doigts les tonnes de papier encombrant les placards de Scotland yard. Mieux que son frère cadet. Mieux que Lestrade. Mieux que le directeur de Scotland Yard (pour ce qu'il en avait à faire) lui-même. Mais...Mais sa mémoire n'était pas parfaite. Il lui manquait une pièce pour que le puzzle soit résolu. Et cette pièce venait de partir en fumée.

Il avait besoin du DI pour clarifier les choses, savoir ce qu'il en était de l'enquête sur ce bombardement et quelles étaient les intuitions du DI. Car contrairement à Sherlock, Mycroft se fiait à Lestrade et son étrange flair. Il avait confiance en l'homme et à son ouverture d'esprit, à son analyse rapide et efficace d'une scène de crime, et à la rapidité de ses ordres concis et précis. Un vrai professionnel comme en avait peu Scotland Yard.

Il savait que le lieutenant Lestrade avait un rendez-vous au MI6. Une affaire d'agent porté disparu et retrouvé mort dans les rives de la Tamise. Le SIS voulait enterrer le dossier, sauf que Lestrade ne savait pas encore que sa victime était un agent secret, et ne voulait pas clore l'enquête si près du but. Etait-il au courant, désormais ? Peut-être, ou pas. Mycroft, en tant que Headmaster, n'avait pas donné de directive exacte à son agence, la laissant gérer comme elle le souhaitait ce genre de détail. Il supposait, ce qui revenait à dire qu'il en était sûr, que Lestrade était homme suffisamment intelligent pour découvrir la raison de sa convocation à Legoland, comme était le nom du QG du MI6 à Londres.

Mycroft s'installe confortablement dans un fauteuil en cuir noir, son étrange parapluie tournoyant au bout de ses doigts, et attend la venue de ce cher inspecteur. Ses yeux reptiliens focalisés sur la foule, il patiente le temps qu'il faudra. De toute façon, la place qu'il occupe, près de la sortie, est stratégique: le DI ne pourra pas sortir sans que Mycroft le voie.

En attendant, il préfère examiner les vitres de verre superbement astiquées et écouter les bruits de couloirs...Inexistant. Ce qui n'est pas drôle lorsqu'on aime écouter aux portes comme lui.